vue du rocher de la vierge (plaine de Chanfroy)

La forêt, un lieu d’activité pour tous ?

La forêt de Fontainebleau est pour la plupart d’entre nous, un espace de liberté ou de détente. Il fait bon se ressourcer à l’ombre du couvert végétal. Avoir un bois à proximité de son domicile est une chance à chérir. Mais devant les incivilités croissantes observées, peut-on raisonnablement penser que la forêt est un lieu d’activité pour tous ?

Les abords de route comme décharge

En forêt de Fontainebleau, les détritus sont devenus rois sur le bas-côté des routes. Les voies d’accès forestières sont souillées par des dépôts sauvages. Cela va des gravats, au reste de bricolage, quand ce n’est pas des résidus de meubles, des tapis, ou des appareils électroménagers. Des affichages de sensibilisation ont indiqué ce que coutait le nettoyage et ramassage de cette pollution à la collectivité. Des pièges photographiques posés ici et là permettent de temps en temps de pincer le pollueur. Mais le résultat est là !

 

déchets sauvages en forêt de Fontainebleau
déchets sauvages en forêt de Fontainebleau

 

Chaque semaine, je découvre de nouveaux dépôts. En fait, la forêt sert de déchetterie à  quelques uns. Il est surement plus facile de balancer discrètement son chargement que d’aller à la déchetterie (Châtelet-en-Brie ou Vaux-le-Pénil). Ce spectacle est navrant !

Parfois, sans aller jusqu’au dépôt sauvage, le simple fait de jeter par le fenêtre de son véhicule une bouteille d’eau (ou une canette) ou ses restes de repas Mc Do est un souci qui vient amplifier tous le reste. Il est question ici d’un problème de mentalité. De plus, le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur. On a beau tirer la sonnette d’alarme sur la perte de la biodiversité, la pollution des océans par des déchets plastiques, j’ai l’impression que cette information n’arrive pas à toucher le cœur des personnes concernées.

Elles entendent mais ne comprennent pas !

Activités forestières en tous genres

Tirés de mes nombreux souvenirs, j’ai parfois observé des choses inquiétantes ou surprenantes. Je passerais sur le vol d’un autoradio ou d’enjoliveurs dont j’ai été victime. Non, je pensais à des libertés prises avec l’environnement. Par exemple, j’ai surpris un type qui avait installé son groupe électrogène sur un parking forestier pour alimenter un compresseur branché à pistolet à peinture. Cet homme repeignait un vieux fourgon commerciale, en plein air !

 

Une autre fois, je garais ma voiture sur une le bord d’une allée. Je commençais à m’éloigner quand j’entends une voiture diesel s’arrêter devant mon véhicule. L’ayant entendu, je me retourne pour voir pourquoi. Il observe dans ma direction et part. Un instant après il réapparait. Il a fait ce manège trois ou quatre fois jusqu’à je me décide à m’avancer résolument vers ma voiture. Ensuite, il est parti ! Était-ce un voleur ? Ou cherchait-il autre chose ?

Ajoutons à ce phénomène d’insécurité mentionné plus, des zones occupées par la prostitution sur des linéaires de routes. On les voient un peu partout sur les axes forestiers fréquentés. Et puis, il y a les lieux de rencontres entre hommes qui selon la police de la nature et de la chasse, avec qui j’ai discuté, est un souci récurent pour eux.

J’allais enfin oublié, les raves parties qui chaque année se font entendre au cœur même de la forêt, voir dans des zones naturelles sensibles. Ces jeunes ouvrent les barrières des chemins forestiers et s’engouffrent avec leurs voitures ou leurs camionnettes dans lequel se trouve un groupe électrogène et de grosses enceintes. Le bruit est tellement puissant qu’on les entends à plus 1 km.

Les décisions bizarres et la biodiversité

Encore aujourd’hui, je me demande si quelqu’un a évalué l’état de la faune et la flore suite à la présence des moutons en forêt de Fontainebleau. Je sais qu’il y a des défenseurs de cette méthode. Elle peut être recommandé, voire nécessaire dans une prairie naturelle qui se referme mais pas à l’intérieur d’un massif forestier qui est en lui un écosystème fragile. Partout où les bêtes sont passée, il n’y a plus de fleurs, plus d’herbes, sans compter un présence bruyante audible à des centaines de mètres aux alentours.  Les animaux sauvages doivent sans doute apprécier…

Des chiens surveillent le troupeau. Le berger réside sur place et bien sûr, le 4×4 a accès à des zones normalement interdites aux véhicules à moteur. En plaine de Macherin où étaient installés le troupeau pendant un temps, des pistes ont été créées pour faciliter le passage de l’engin dans la parcelle en milieu ouvert. C’est une zone de buissons qui abritait des espèces de papillons emblématiques de milieux chauds et lumineux. Depuis 3 ans, nada, plus rien. Je suis passé à la mi-mai et j’ai trouvé un désert de buissons épineux. Je concède que le froid et la sécheresse ont du aggraver les choses mais ce n’est la principale des causes.

 

moutons de la forêt de Fontainebleau
Moutons (Photo de 2016)

 

Saviez-vous que la plupart des espèces de Satyrinae comme le papillon Céphale ou le Demi-deuil ont comme plante hôte des graminées et les graminées les moutons les mangent. Il faut comprendre que la diversité animale et végétale reposent sur un équilibre entre ses différentes formes de vie. Avec la destruction de la plante hôte et des œufs,  toute une génération de papillons a été anéantie ! Les ovins n’ont pas vocation de tondre la forêt, mais plutôt les prairies de campagnes et les alpages.

Je vous parle de cette situation car les plaines arbustives et les plaines ouvertes sont à elles seules des biotopes d’exception au sein du massif. Cette pression ovine qui a plusieurs années maintenant permettra t-elle aux lépidoptères de se reconstituer et aux nicheurs de revenir ?

Impact des activités humaines sur la forêt

Nous savons tous que partout où passe l’homme, la nature trépasse. La nature ne demande pas à être aimé mais juste à vivre en paix ! À chaque fois qu’une décision est prise pour couper du bois, pour y mettre des moutons ou pour accomplir une activité bruyante ou persistante, il y a un impact plus ou moins visible à terme. Et quand on entend parler de gestion des ressources, il faut à mon sens comprendre exploitation. Et pour donner un verni responsable, on fait une belle brochure marketing pour parler des quelques mètres carrés protégés alors qu’à côté on abime des surfaces importantes. On protège sur le papier des espèces animales et végétales. La réalité est que ces écosystèmes ne survivent que tant que personne ne met son nez dedans avec un projet quelconque. Et puis, les moyens de surveillance de ces zones de biodiversité sont quasi nuls. Ainsi, dans les faits, les portes sont grandes ouvertes…

Comme l’ensemble des scientifiques le disent, le changement climatique impacte tous les écosystèmes. Un froid tardif au printemps freine la migration des oiseaux, voir les empêchent d’aller à destination ou les décalent dans la période de reproduction. La plupart de ces migrateurs forestiers sont des insectivores. Donc, une réduction des populations d’insectes liées au froid, à la pluie et au pesticides rend la recherche de nourriture plus couteuse en énergie pour les nidificateurs.

Et puis, l’incivilité qui peut se résumer au manquement aux règles du comportement en société est devenu banal. Est-ce normal de faire du moto cross dans un ENS (Espace Naturel Sensible) ? La réponse est non, mais comment l’empêcher et faire respecter le bon sens !

La forêt et moi

Et puis pour terminer, je voulais vous parler de ces aspects qui me touchent. Bien sûr, je ne détient pas les solutions miracles, pas plus que je n’ai la science infuse. Je constate malheureusement que la forêt est attaquée de toutes parts. Il y a plusieurs dizaines d’années, on parlait de pluies acides. Aujourd’hui, ce serait plutôt la déforestation, la perte de la biodiversité et les mentalités qui vont avec. Quand j’entends un agent de l’ONF qui me dit qu’en août il n’y a plus de papillons, je me dis qu’on est mal barré…

Pour alimenter ce blog naturaliste, je me rends fréquemment dans les bois. Avec des camarades, nous échangeons des informations sur nos trouvailles. Ce petit réseau nous aide à couvrir du terrain et mutualise nos efforts. Mais ces dernières années, nos spots photos ont été profondément modifiés et appauvris. J’entretiens un lien avec ce milieu depuis plus de 20 ans en tant qu’observateur. J’aimerais continuer à entendre chanter l’alouette lulu ou voir chasser la pie grièche écorcheur. Mais pour cela, laissons à la nature ce droit millénaire de vivre sa vie sans interférer !

Pour illustrer la beauté et la fragilité de cette belle forêt de Fontainebleau, je vous présente un reportage de Mariana Roudaut Risso qui a réalisé cette vidéo dans le cadre d’un projet de son école de journalisme (université de Sheffield) en Angleterre.

 

 

9 commentaires

  1. Roseline Kassap-Riefenstahl

    J’ai vu hier le « travail » des moutons à la plaine de Chanfroy… Je ne vois pas comment un papillon pourrait avoir envie d’aller sur le désert qu’ils ont laissé…
    Mais il y avait aussi de gros avions militaires à très basse altitude (quasiment au ras des arbres!), je ne pense pas que ce soit très propice non plus à faciliter l’actuelle nidification des oiseaux… 🙁

  2. Merci Djamal,
    Entièrement d’accord avec vous, « notre » belle Forêt présente parfois un spectacle navrant. Pour la parcourir depuis plus de quarante ans, je ne peux que constater cette triste régression. Mais nous y retournons toujours pour nous ressourcer, avec un tel plaisir…
    Qu’en est-il de l’inscription au Patrimoine Mondial de l’UNESCO?

    Merci aussi pour votre blog, passionnant!
    Amicalement.

  3. Merci pour cet article, Djamal.
    Je partage tes inquiétudes autant que ta colère. De mon côté, plus au nord de la SM et sur les étangs, il y a encore un autre facteur d’atteinte à la faune sauvage : les chiens ! Qui, sous les yeux bienveillants de leurs propriétaires, plongent à côté des nids dans les roselières.
    Et puis les pêcheurs, qui parfois cassent les roseaux à côté des nids pour trouver des coins tranquilles à l’écart des autres pêcheurs.
    Enfin il y a un étang où je ne vais plus, alors même qu’il est très beau et entouré de forêt. Mais celle-ci (où se sont construits dans un coin reculé des bidonvilles) est souillée au dernier degré : matelas, plastiques en tout genre, vêtements usagés, on trouve de tout. Le sol est jonché de ces détritus.
    Et mon cœur pleure…

  4. marie-claude Lenoire

    Merci pour ce « coup de gueule ». Malheureusement, nos forêts ne sont plus respectées; j’habite à proximité de celles de Crécy et de Malvoisine: même constat, dépôts d’ordures, exploitation anarchique, quads et autres engins motorisés… C’est bien triste.

  5. Bravo pour votre article. J’y retrouve certaines de mes fâcheuses rencontres lors de balades dans la nature. Alors que la pollution environnementale et la protection de l’environnement sont au coeur des sujets des medias et connus de tous, des personnes inconscientes, égoïstes, délinquantes sévissent encore . Certains maires ont eu le courage de réagir en verbalisant quand un indice permet de remonter au pollueur. . Bonne continuation à vous. Cordialement

  6. Vos articles sont toujours passionnants. Dommage la faute dans le titre… 🙂

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